A quel âge avez-vous commencé à
écrire ?
J'ai publié mon premier livre il y a 5
ans, j'ai 39 ans.
Pourquoi avez-vous décidé de devenir
écrivain ?
Il y a des tas de façons de répondre.
Toute petite, je lisais à peu près un livre par jour, je m'isolais avec un
livre, je trouvais la vie trop compliquée donc je lisais beaucoup. J'ai donc
eu envie d'avoir ma place, d'écrire un livre. Je voulais absolument
écrire. Par ailleurs, je n'aime pas dire que je suis écrivain. Je refuse le
statut social d'écrivain. Je suis plein de choses : femme, mère... J'écris des
livres en plus.
Depuis quand avez-vous l'amour de la
littérature de jeunesse et quel est votre premier souvenir de lecture
?
Mon premier souvenir de lecture est
"Oui-Oui au pays des
jouets ". Ma mère m'a appris à lire
à l'âge de 4 ans. A travers la lecture, je trouvais un bonheur, une puissance
incroyable. J'ai lu, vous pourriez le lire aussi, "Le Vent dans les Saules".
Je ne fais pas de différence entre la littérature de jeunesse et la
littérature tout court.
Comment réussissez-vous à gérer
l'écriture et le journalisme ?
J'ai fait des études de lettres et des
études de journalisme. J'ai travaillé dans la communication, c'est du
pseudojournalisme. Dans le journalisme, il y a des règles d'écriture très
précises et des interdits
Avez-vous un livre en cours
?
Oui, mon livre doit être terminé pour
le 31/03/98, mais il ne le sera pas donc j'espère le terminer pour le
15/04/98. C'est un livre pour les adultes.
Comment devient-on écrivain
?
Il n'y a pas d'école pour devenir
écrivain. Il existe juste en France des ateliers d'écriture privés. Il faut
lire pour écrire. On apprend à écrire en lisant. On écrit par imprégnation, on
s'inscrit dans un mouvement. Je ne me rappelle plus quel écrivain du XIXe a
recopié des romans entiers à la main. Proust a fait des pastiches de tous les
grands écrivains. Il a trouvé son ton. Ecrire, c'est rarement bon du premier
coup. C'est un travail d'artisan.
Avez-vous des amis écrivains
?
J'ai quelques amis, oui. Mais pas
forcément des écrivains. J'ai des amis qui exercent des métiers angoissants :
photographes, peintres... Ils n'ont pas un travail très structuré. Ils n'ont
pas de sécurité de salaire. C'est une situation très inconfortable. On
travaille dans sa tête. Avec ses amis, on parle assez rarement de
l'écriture.
Quels écrivains de littérature de
jeunesse ou pour adultes admirez-vous le plus ?
Aucun en particulier ! Il y en a
beaucoup ! On appartient à une famille d'écrivains, avec une histoire. Il y a
des gens dont on est maniaque. J'aime Salinger. J'ai adoré, vous pourriez le
lire, "Jules et Jim" de H.P Rocher, publié chez Folio. J'ai aimé la Comtesse
de Ségur, c'est une langue particulière et difficile. Le premier vrai écrivain
américain, c'est Marc Twain. Vous connaissez Tom Sawyer et Huckleberry Finn.
Ce sont de très bons romans initiatiques. Peter Pan est considéré comme un
chef-d'oeuvre en Angleterre.
Quel écrivain aimeriez-vous
rencontrer ?
Quelqu'un a l'habitude de dire "vouloir
rencontrer un auteur, l'auteur qu'on a aimé, c'est comme vouloir rencontrer
l'oie dont on a mangé le foie !"Il ne vaut mieux pas !
Comment faites-vous pour trouver de
l'inspiration ?
Ca franchement, ce n'est pas dur. Vous
avez vu ce que je raconte, ce sont des histoires de famille ... Le plus dur
est de trouver la bonne idée, il faut passer du temps à ne rien faire pour la
trouver. L'inspiration, c'est comme un insecte, il faut un filet pour
l'attraper.
Comment savez-vous qu'un roman va
plaire ?
Ma première lectrice est ma soeur qui a
beaucoup traduit de livres et mon copain, qui est monteur de cinéma. Ensuite,
il y a l'éditrice qui me demande de faire des ajouts, de
développer.
Est-ce que vos enfants vous
inspirent dans vos romans ?
Oui, certainement ! Je me souviens de
moi enfant en les regardant. Avoir des enfants, c'est une deuxième chance
d'enfance pour soi. Ils donnent envie d'écrire comme de prendre une photo ou
de peindre.
Est-ce que les histoires que vous
racontez ont un rapport avec votre vie actuelle ou votre enfance
?
Un adulte est constitué de plusieurs
strates. Dans la mémoire, c'est solidifié. On ajoute des sentiments d'adulte
aux sentiments d'enfance. Quand j'écris un livre "pour adulte", je garde un
regard d'enfant.
La région que vous que vous habitez
a-t-elle de l'importance pour vous en tant qu'écrivain ?
Pas spécialement. J'ai passé mon
enfance à Roubaix. Maintenant j'habite Paris (10è), où il n'y a pas d'arbre,
pas d'herbe... j'adore... mes enfants un peu moins...
Avez-vous un endroit précis pour
écrire ?
Ca dépend des moments, j'aime bien
écrire dans la cuisine parce qu'elle est petite, il y fait chaud, je peux y
boire du thé, écouter la radio... Mais comme j'ai un enfant de 2 ans, et que
si je suis à la maison, il est toujours dans mes jambes... Je travaille donc
chez une copine dans son bureau.
A quel moment de la journée
écrivez-vous de préférence ?
Au début, je travaillais après minuit,
mais je vieillis donc je travaille, désormais, dans la journée, quand je
peux.
Combien de temps mettez-vous à
écrire un roman ?
C'est impossible de le savoir. De deux
ou trois mois à deux ou trois ans ! On ne peut pas compter le temps passé à ne
rien faire et qui est nécessaire. Il m'est arrivé d'écrire cent pages en un
mois et puis il m'était impossible de continuer à avancer. Je commence,
j'abandonne, je reprends. "La Chartreuse de Parme" a été écrit en 52 jours
mais tout était en place dans la tête !
Croyez-vous que le fait d'écrire
vous apporte un sentiment de sérénité ?
Certainement. Ecrire me fait du bien.
Le fait que le livre existe, ça m'apaise.
Pourquoi vous consacrez-vous plus à
des récits pour enfants qu'à des récits pour adultes ?
Parce que c'est plus facile, plus
tranquille. Il n'y a pas de pression. Pour les adultes, c'est l'arène. C'est
surévalué. Il y a une grande violence dans les relations avec la critique,
elle regarde ce que l'on écrit pour les adultes d'un oeil superméchant ! J'ai
horreur des conflits ! Ce qu'on écrit pour les enfants, tout le monde s'en
fout ! Il n'y a pas de critiques dans les journaux... Et puis, il y a sûrement
une partie de moi qui est restée bloquée à 12-14 ans !
Quels thèmes de livres préférez-vous
en tant que lecteur ?
Comme lecteur, j'aime tout, je suis un
bon lecteur.
Aimeriez-vous arrêter d'écrire pour
faire autre chose ?
Pour le moment non. J'aurais adoré
dessiner, mais je suis trop vieille maintenant.
Comment avez-vous choisi votre
éditeur ?
J'ai rencontré l'éditrice qui est
devenue une amie grâce à ma soeur traductrice qui a fait baby-sitter chez
quelqu'un qui connaissait l'éditrice.
Par rapport au travail fourni,
pensez-vous être bien rémunérée ?
L'argent est très important pour moi,
il a toujours été un soucis. A la vente d'un livre, l'auteur reçoit 8 %. Tu
peux en vivre mais tu n'es pas sûr que ça puisse durer.
Combien de livres avez-vous écrit
jusqu'à maintenant ?
Une dizaine pour la jeunesse et un pour
les adultes.
Pourquoi les éditions de vos livres
sont-elles à des prix aussi élevées ?
Ce n'est pas moi qui décide du prix,
c'est mon éditeur, L'École des Loisirs. Les livres sont chers à fabriquer. Ils
sont faits avec du beau papier. Ils sont tirés à peu d'exemplaires et ne sont
pas distribués en grande surface.
Pourquoi le titre "Une vague d'amour
sur un lac d'amitié" ?
Ce n'est pas moi qui l'ai choisi !
j'aurais préféré "Une vague d'amour" tout court ! Cela correspond au titre du
film de Casavettes "Love Stream"... Ce ne sont pas les auteurs qui choisissent
les titres, ni les illustrations et souvent, ils ne nous plaisent pas
!
Pourquoi le prénom de Suzanne dans
"Une vague d'amour" ?
C'est le prénom d'une
arrière-grand-mère paternelle, surnommée Nana, et à laquelle je ressemble.
J'aime la sonorité et puis c'est un prénom à la mode.
Comment avez-vous choisi les prénoms
de Bartholomé et Hélène dans "J'envie ceux qui sont dans ton coeur"
?
Bartholomé pour des raisons
inconscientes et Hélène pour deux raisons : La Belle Hélène de Troie et parce
que l'amie réellement ravissante de mon frère Arnaud s'appelle
Hélène.
Dans "J'envie ceux qui sont dans ton
coeur", pourquoi avez-choisi le site de l'auberge. L'ambiance vous
convient-elle mieux pour développer la suite du récit ?
L'auberge ressemble à deux auberges
devant lesquelles nous passions lors de nos promenades, lorsque j'étais
enfant, dans le Nord.
"Une vague d'amour sur un lac
d'amitié" a-t-il un rapport avec votre propre enfance ? ou adolescence
?
Ah ? ! Je venais d'arriver à Paris.
J'étais seule , relativement désespérée, mon compagnon était parti en
vacances. J'éprouvais un sentiment d'abandon. Celui que l'on ressent parfois
enfant: pourquoi personne ne t'aime comme il faudrait t'aimer ? La
grand-mère est ma vraie grand-mère. La baby-sitter est Isabelle Martin, je
n'en ai plus de nouvelles. Tim n'existe pas.
En fonction de quoi choisissez-vous
un héros ou une héroïne ?
Mon fils me reproche parfois d'écrire
toujours "des histoires de meufs ! " Ce sont des histoires où il y a beaucoup
de moi, de Marie, ce sont des histoires de filles. Ce sont des livres
psychologiques avec des histoires d'amour. Je choisis un héros garçon par
raison ! Quand on écrit, on donne une petite part d'immortalité à l'enfance,
aux gens... Rose-Aimée, c'est ma vraie grand-tante. Son amie était sa
véritable amie. C'est un délice de la faire revivre...
Pourquoi la petite fille dans Verte
est-elle prénommée ainsi ?
Sur le Macintosh, il fallait un nom de
code : ça a été "Verte". La couleur a une double signification : elle a un bon
côté, elle symbolise l'espoir. Pour les gens du spectacle, elle porte malheur.
Souvent, le mystère est associé au vert et au violet... Il y a des prénoms
féminins de couleurs : Blanche, Rose, Garance... Alors pourquoi pas Verte
? Il y a aussi une autre raison qui m'est apparue à postériori : c'est la
mention "Verte" portée sur ma carte d'identité après : "couleur des yeux".
Verte, c'est l'équivalent de Marie, de moi "jamais je ne ressemblerai à ma
mère, plutôt crever !" Ah, les relations mères-filles !... Verte à dix, douze
ans ! Elle est insupportable ! Quand on écrit, on est collé à soi et à ce
qu'on écrit. Puis on se détache par le travail d'écriture... Toutes les femmes
sont des sorcières ! C'est un compliment ! Ursule, c'est moi, c'est Marie
Desplechin ! Quelquefois, on me dit que les pères sont absents dans mes
livres. Oui, au fond, c'est toujours la même histoire qu'on écrit ! Non
? Est-ce un privilège pour
vous d'écrire un livre ? Oui, c'est un privilège, mais ce n'est pas du
vol. Propos rapportés en substance par : * CREHIN M.,
Professeur de Français, LE GENTIL A., Emploi jeune LEMARCHANT F.,
Documentaliste.
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