BATAILLE DES LIVRES < PORTRAITS D'AUTEURS < M. DESPLECHIN < |
Environnement social |
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Cette page est tirée du site de l'Université de Lille III |
La famille dans les romans de Marie Desplechin par Valérie Degrelle (Université de Lille III, 2000) |
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Reflets de la société actuelle dans laquelle on a de plus en plus affaire à des familles recomposées, les familles mises en scène par Marie Desplechin sont souvent éclatées et les enfants ont à supporter l’absence d’un père ; ce sont donc des familles où les femmes occupent la première place.
On a
souvent fait remarquer à Marie Desplechin que le père était la plupart du temps
absent de ses romans et cela pour plusieurs raisons. On a en effet affaire à des
parents divorcés dans plusieurs de ses romans. Dans Rude samedi pour
Angèle, la petite fille vit seule avec sa maman et elle parle d’ailleurs du
divorce dès le début du roman avec ses mots d’enfant : « Nous, on a divorcé », «
Mon papa n’habite plus avec nous ». On retrouve cette famille dans Et Dieu
dans tout ça et Tu seras un homme, mon neveu, deux autres romans dans
lesquels c’est le frère d’Angèle, Henri, qui est le héros. Dans cette famille,
on peut dire que le divorce est assez bien vécu, puisque les parents sont restés
en bons termes et habitent dans le même quartier. D’ailleurs, la petite fille se
demande bien pourquoi ils ont divorcé, puisqu’ils s’entendent si bien : « Ils
rigolent toujours quand ils discutent. Je ne comprends pas pourquoi ils ne
veulent plus habiter ensemble ». Dans ces romans, on retrouve bien ce que vivent
beaucoup d’enfants, à savoir les week-ends passés chez papa, le nouveau fiancé
de maman…
Cette
absence de père fait que l’on a souvent affaire à des familles très féminines
dont on trouve le meilleur exemple dans Verte. En effet, ce roman met en
scène trois générations de sorcières (mais des sorcières modernes et bien de
notre époque) qui s’expriment tour à tour. Dans cette famille, on est sorcière
de mère en fille et on n’a pas besoin d’homme. Par conséquent, le père est de
nouveau absent, éjecté dès le début par Ursule, la mère de la petite héroïne.
Ursule parle du père de Verte en ces termes : « J’ai donc donné le jour à une
fille. Son père, un certain Gérard si j’ai bonne mémoire… ». Mais l’absence du
père est difficile à supporter pour Verte qui va tout faire pour le retrouver.
La famille dans les romans de Marie Desplechin ne se limite pas au modèle parents / enfants car ils mettent en scène d’autres membres de la famille : grands-parents, oncles, cousins et même grands-tantes. On s’attardera sur les grands-mères, qui jouent un rôle très important, ainsi que sur les oncles et cousins.
Marie
Desplechin dit de ses grands-mères qu’elles ont été deux personnes très
importantes dans sa vie ce qui explique le fait qu’elles soient si présentes
dans ses romans et aussi proches de leurs petites-filles. Les grands-mères
d’Une vague d’amour sur un lac d’amitié et de Verte présentent
ainsi de fortes ressemblances entre elles et avec celles de l’auteur. La
grand-mère de Suzanne dit souvent à sa petite-fille : « Ta naissance a été le
premier grand bonheur que j’aie connu après la mort de mon mari. » Tandis
qu’Anastabotte « classe la naissance de sa petite-fille parmi les vrais bonheurs
de son existence. » Parallèlement, les petites-filles aiment aller chez leur
grand-mère : c’est « un refuge » pour Verte et « une maison de rêve » pour
Suzanne. Par ailleurs, elles ont toutes les deux la même façon de faire les
frites pour faire plaisir à leurs petites-filles et ce détail est un véritable
souvenir d’enfance de l’auteur. Dans Verte, « Mamie a fabriqué deux
grands cornets avec un épais papier bleu et elle les a remplis à ras bord »,
tandis que celle de Suzanne les « donne toujours enveloppées dans des cornets de
papier bleu. »
Les
oncles et cousins ont aussi une grande importance dans les romans de Marie
Desplechin. Elle-même issue d’une famille nombreuse avec beaucoup de cousins,
elle avoue avoir une tendresse particulière pour les oncles. On retrouve ainsi
l’oncle Alfred dans trois romans, à savoir Rude samedi pour Angèle, Et
Dieu dans tout ça ? et Tu seras un homme, mon neveu. Il est celui qui
vient en aide à son neveu, Henri, qui se pose des questions sur le sens de sa
vie ou sur Dieu et va être le déclencheur de la renaissance d’Henri qui, à 11
ans, ne trouve déjà plus d’intérêt à la vie. Tout n’est pas toujours rose dans une famille, quelle qu’elle soit, et les relations entre ses membres sont souvent difficiles. Ces tensions sont toutefois salutaires car elles permettent à chacun de se construire et de se comprendre. C’est le cas en particulier des relations entre les mères et leurs filles, entre les frères et sœurs et, plus généralement, des relations entre les adultes et les enfants.
Les
familles très féminines présentes dans les romans étudiés permettent à l’auteur
de se pencher sur les relations entre les mères et les filles, souvent décrites
avec beaucoup de justesse. Dans Verte, on sent très bien les difficultés
qui existent dans la relation entre une mère et sa fille, non seulement dans la
relation entre Verte et sa mère mais aussi avec la relation entre Anastabotte et
sa fille, Ursule. Celle-ci résume parfaitement les problèmes que rencontrent
toutes les mères : une mère n’a pas le droit de se plaindre car elle nage dans
le bonheur grâce à ses enfants. Pourtant, ce n’est pas toujours facile d’être
mère : Verte exaspère sa mère car elle refuse de devenir une sorcière comme cela
se fait depuis des générations, elle devient renfermée, distante…
Dans les romans de Marie Desplechin, les petits héros ont parfois des frères et
sœurs avec lesquels les relations ne sont pas toujours harmonieuses. Ce qui
ressort le plus de ces relations, ce sont les constantes chamailleries,
courantes entre frères et sœurs. On en a l’exemple avec Henri qui dit de sa sœur
Angèle dans Rude samedi pour Angèle : « Elle ferait n’importe quoi
pour me rendre dingue. Quel malheur d’avoir une sœur pareille ». Cela dit, on
sent qu’il aime sa petite sœur car il lui rapporte un porte-clés de sa journée
avec Renata. Ce même Henri dit de sa sœur dans Et Dieu dans tout ça ? :
« […] nous sommes tous les deux affligés d’une petite sœur. […] il a fallu
qu’ils nous installent une petite peste à demeure […] ».
Au-delà
de ces relations particulières, c’est la question des relations entre les
enfants et les adultes qui est posée. Les enfants se sentent souvent incompris
par les adultes qui ne répondent pas aux questions qu’on leur pose de manière
satisfaisante ou qui se défilent. Henri, qui cherche des réponses à ses
questions sur Dieu, consulte tous les membres de sa famille mais n’est pas
convaincu par les réponses qu’il obtient car elles le plongent dans le doute au
lieu de l’éclairer : « Je dois avouer que j’étais assez déçu par les faibles
réponses de mes parents ». Conclusion La
famille chez Marie Desplechin n’est pas une famille où tout est rose et on
pourrait penser, à la lecture de ses romans, que toutes les familles actuelles
vivent ainsi et sont obligées de passer par là. Il faut relativiser ce propos
car on peut voir dans certains romans des familles unies, qui s’aiment et il
s’agit peut-être là de la famille idéale telle que la conçoit l’auteur. Ainsi,
Verte envie la famille de son ami Soufi : « Soufi a une chance folle. Sa famille
est immense : cinq enfants, une mère ET un père, un cousin qui dort sur un
matelas dans l’entrée ». De même, Samir vit dans une famille aimante, sans
histoires : « Aimé de son père et de sa mère, frère aîné de trois jeunes frères…
» et Céline lui envie son bonheur, toute heureuse de pouvoir se blottir dans les
bras d’une mère, celle de Samir, prête à aimer et à prendre dans ses bras tous
les enfants de la Terre. Mais, à entendre l’auteur, il s’agirait plus d’un
fantasme que d’un modèle de famille idéale.
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