Jean-Jacques
Busino écrit avec 1000 enfants
LITTÉRATURE
Le
Genevois dialogue avec les élèves sur Internet. Un livre doit en sortir. FRANÇOISE NYDEGGER
Lire, c'est bien. Rencontrer des auteurs dont on a lu les ouvrages, c'est encore
mieux. Mais écrire avec eux, quelle aventure! Les 3000 élèves qui participent
cette année à la Bataille des livres vivent
une expérience unique, celle de partager la gestation d'un livre avec un écrivain.
Le comité d'organisation de la Bataille a
en effet sélectionné trois auteurs qui ont accepté de jouer le jeu de l'écriture
à plusieurs mains. Ce sont Christiane Duchesne, du Québec, Nangala Camara, de
Côte d'Ivoire, et Jean-Jacques Busino, de Genève.
De novembre à avril, chaque écrivain converse avec 1000 élèves, répartis
sur les trois continents. Ces contacts s'établissent sur Internet, où des
dialogues alimentent la réflexion des uns et des autres. L'auteur lance des
pistes, rédige quelques pages, les soumet aux intéressés. Les jeunes lecteurs
font des remarques, proposent des personnages, orientent le récit. L'auteur
doit s'adapter. L'interaction ici n'est pas un vain mot.
Jusqu'à 198 mails par jour
Dans sa demeure versoisienne, surveillée par un imposant molosse blanc,
Jean-Jacques Busino est assailli par les emails. «Il m'en est arrivé jusqu'à
198 en une journée!» Ses jeunes correspondants viennent de quatorze classes,
réparties au Québec, en France, à Genève et au Burkina Faso. «J'adore ce
type de travail, mais la tâche ne va pas être facile. Mes interlocuteur s ont
entre 8 et 12 ans, ce qui représente un écart d'âge considérable.».
Connu du grand public pour ses polars fulgurants, le Genevois réserve aussi une
part de sa prose au jeune public. Il a ainsi reçu le Prix des lycéens français
pour son Sac de noeuds, paru chez
Flammarion en 1999. Il a également publié Classe
foot chez Syros. L'homme n'a pas son pareil pour capter les bobos à l'âme
des adolescents. II les dit dans ses textes, parfois crûment, et dans un
sentiment d'urgence.
Chronologie d'un livre
Fin novembre, Jean-Jacques Busino a invité ses interlocuteurs à se poser
des questions pour exprimer leurs préoccupations profondes. «Ce qui me frappe,
affirme l'écrivain sans détour, «c'est que les thèmes qui tracassent ces
gosses sont universels. Quelle place ont-ils dans ce monde ? A quoi servent-ils
? Que pourront-ils
réaliser? Et puis il y a la violence, omniprésente. La violence physique,
verbale, dont on n'échappe que par la fuite.» L'absence totale de demain revient
aussi souvent sur la toile. «Il n'y a rien devant», résume l'auteur.
A mi-décembre, Busino proposait déjà à ses coécrivains le canevas de leur
histoire. «II s'agit d'une école dont les professeurs ont perdu le contrôle.
Les élèves prennent alors possession des lieux. Que va-t-il se passer? Des négociations
ou des bagarres? Aux enfants de me proposer des solutions.» Avant d'attaquer la
rédaction de son récit, qui doit se dérouler au Québec, JeanJacques Busino
hume le parfum de ce pays, où il n'a jamais mis les pieds. «Je demande aux
classes de Chicoutimi de me raconter les odeurs, les arbres, les couleurs de
chez eux. Les profs ne devraient pas faire barrage...
|